Si vous voulez bien passer à table ?

Je viens d’une famille d’hôteliers, de cuisiniers et de commerçants en métiers de bouche. Dans mes souvenirs, je vois à quel point ces univers sont sources de théâtre et à quel point ils ont constitué, sans que je le nomme, un lieu d’apprentissage et d’inspiration.

D’ailleurs, en relisant les intentions de mes précédents spectacles, je réalise à quel point les métaphores culinaires et la comparaison entre le repas et la représentation nourrissent mon propos. 

Le théâtre c’est un qui raconte une histoire à un qui est venue pour l’écouter. La cuisine, c’est un qui prépare un plat à un qui est venu le déguster. Les deux univers habitent le réel pour le rendre plus supportable et il s’y joue quelque chose de précieux et fragile dans le rapport à l’autre, à la curiosité et à la diversité. C’est ce quelque chose que je veux disséquer pour tenter de le nommer. L’organisation d’une brigade est proche de celle d’une troupe… La complexité de la préparation d’un plat, la pression que ressent celui qui le prépare pour que celui qui le déguste passe un bon moment… La comédie à jouer quand la vie pèse, pour sourire quand le client entre dans le restaurant… Le plaisir ou non de manger et de partager un repas…

J’ai envie de raconter tout ça : je souhaite confronter les vocabulaires, nourrir le spectateur avec le plaisir des mots et celui des yeux, réveiller sa mémoire affective sur les plats de son enfance et cette fois encore raconter la joie et la complexité du difficile exercice de faire ensemble.

Chacun se souvient d’un plat ou d’un repas qui a marqué sa vie… Mais pourquoi? et à quoi pensait l’être humain qui a fait la première tarte aux pommes ? 

La construction du spectacle se fera selon 3 axes :

  • la fabrication du repas : que se passe-t-il dans une cuisine? comment est organisée une brigade ? comment passe-t-on du geste technique au sublime du plat ?
  • le moment du repas: qu’est-ce qui nous réunit autour de la table au-delà du plaisir ou de la nécessité de manger?
  • le plat en lui-même : la nourriture comme plaisir ? comme soin ? ou comme souvenir fondateur ?  

Les acteurs joueront toutes le figures d’une ronde culinaire composée de petites vignettes et de tableaux qui créeront la narration en passant d’un axe à l’autre. Pour lier le tout, la batterie d’ustensiles se transformera parfois en instruments de percussions.

Tout ces ingrédients pour qu’à la sortie, le spectateur ait envie de partager un repas en bonne compagnie.

Créé le 4 avril 2023 à la MC2: Grenoble

Pourvu qu’il nous arrive quelque chose

Le théâtre… Drôle d’endroit où UN se présente pour dire quelque chose à UN AUTRE qui lui, est venu pour l’écouter. 

De quoi est fait celui qui est venu dire ? Comment l’autre est disposé à l’écouter ?

Et qu’est –ce qui se passe si celui qui doit dire ne sait plus dire ?

Il va devoir passer par tout ce qui l’a conduit sur scène pour reprendre consistance.

Et ce chemin sera fait de récits, de souvenirs, d’anecdotes, de déclarations d’amour, de mauvaise foi, de doutes… Avec au final l’espoir qu’il arrive quelque chose.

Qu’il peut être difficile de dire quelque chose à quelqu’un en espérant être entendu…

C’est le principe moteur sur lequel repose le plus grand nombre de représentations théâtrales et qui a nourri le désir du comédien et metteur en scène, Grégory Faive d’adapter pour la scène Le petit lexique amoureux du théâtre de Philippe Torreton (éd. Stock) avec la complicité d’Anne Castillo.

Ce recueil de définitions, plein d’humour et d’amour pour le métier de comédien, aborde tous les aspects de ce qui constitue la représentation théâtrale ; le travail de la langue, le processus de création, les outils techniques, la mémoire de l’acteur, sa personnalité complexe, le public…
Bref, tout ce qui, rassemblé, permet ou non qu’il se passe quelque chose entre l’acteur et le spectateur. Grégory Faive, enchaine les définitions, en partageant avec le public des textes importants qui l’ont porté dans son parcours de théâtre : ceux de Shakespeare, de Racine, pour les fondations nécessaires qu’ils lui ont apporté, ceux de Jean-Luc Lagarce, pour son regard tendre posé sur la difficulté de vivre avec l’autre, ou encore ceux de Muriel Robin ou de Raymond Devos pour leur humour et leur fragilité.

Sonneurs de Sonnets

Balade musicale en terrain Shakespearien.

Ça commence le plus simplement du monde :
Un musicien, un comédien,
Et un recueil de sonnets, ceux de Shakespeare.
Le musicien joue quelques notes de Ukulélé, le comédien feuillette le recueil.
Et ainsi commence leur promenade tendre et ludique parmi la quarantaine de ces magnifiques sonnets que les deux complices ont rassemblés et choyés, pour le plus grand plaisir des spectateurs.

En 2004, à l’occasion de l’ouverture de la MC2, François Thollet et Grégory Faive sont réunis pour interpréter quelques Sonnets de Shakespeare dans leur version mise en musique par Norah Krief. 

La découverte de ces textes restera pour eux, un excellent souvenir de travail commun. 

10 ans après, survient l’invitation du Festival Mens alors ! : trois jours pour concevoir un impromptu les réunissant à nouveau. Choix du sujet : libre ! 

Très vite, les deux interprètes décident de reprendre les Sonnets là où ils les avaient laissés. Ces textes leur donnent la possibilité de converser artistiquement autour de thèmes dont l’universalité les touche : s’adresser à l’être aimé, à sa beauté, avec le temps qui passe et la mort comme ultime rendez-vous…  

Depuis à l’ombre d’un saule, dans l’herbe d’un parc ou sur les planches d’une scène les deux artistes font sonner les sonnets dans le cœur des spectateurs.

A quoi servent les Points-Virgules ?

Deux personnages sont là, comme par hasard, dans un parc.
A est sur un socle de statue. Debout, il va sauter.
B est assis sur un banc. Une plante verte égaye.
A ne voit que le côté sombre de la vie.
Il est le pessimiste et le cynique aussi.
Il va se suicider.
B ne semble voir que le côté joyeux de l’existence.
Serait-il l’optimiste ? L’angélique sûrement.
Les deux ne forment, bien sûr, qu’un seul.
Le « mélange » se fera progressivement. (…)
Gazouillis d’oiseaux, une musique de jardin public.
Quelques bruits de ville, au loin, la nuit.
La solitude la plus dure est celle qu’on vit à deux.    

Serge Papagalli

Serge Papagalli a fait le cadeau de ce texte inédit à Emilie Geymond et Grégory Faive qui ont immédiatement trouvé matière à se donner joyeusement la réplique sur la question de la rencontre, thématique qui traverse toutes les créations de la compagnie. 

Ils sont donc  A et B : le pessimiste et l’optimiste, un homme et une femme, un acteur et une actrice… A est désespéré, planté sur son socle ridicule d’où il imagine pouvoir mettre fin à ses jours. B est sur son banc et s’apprête à se noyer dans la contemplation d’un coucher de soleil. 

Et pour que rien ne trouble ce rendez-vous, B demande à A de se reprendre… Et c’est parti !
En cédant à la conversation, ils ignorent tous les deux qu’ils vont faire se rencontrer leurs joies et leurs désespoirs et mettre à jour, pour le spectateur, le difficile équilibre qu’est celui de tenir sur le fil de l’existence.

Le Discours

“Tu sais, ça ferait très plaisir à ta sœur si tu faisais un petit discours le jour de la cérémonie.”

Adrien ne l’a pas vu venir. Juste avant le gratin dauphinois.

Si seulement il n’avait pas laissé passer le petit instant où il est encore possible de refuser.
Et si seulement il n’avait pas envoyé de texto à Sonia juste avant de venir.

Il s’était promis de ne pas la contacter, de la laisser profiter de 30 jours de pause pour réaliser qu’ils devaient se retrouver. Mais à 17h24, il lui avait écrit, à 17h56, son message avait été lu. Alors pourquoi n’avait-il toujours pas de réponse à 20h16 ?

Comment tenir bon entre l’attente insupportable d’une réponse et ce repas familial qui rappelle à Adrien chacun des petits ratages de son existence ?
Comment bien parler du couple quand le sien semble un échec ?

Peut-être en prenant le léger recul qui permet de rire de ce qui arrive, et de faire le pas d’après… vers le ratage suivant.

Dans cette adaptation du texte de Fabrice Caro, Grégory Faive, avec la complicité d’Anne Castillo, souhaite que le spectateur ait l’impression d’être dans la tête d’Adrien tandis qu’il est à table, reconnaisse sa sœur et son beau-frère comme les siens et ressente l’insupportable attente de la réponse de Sonia et la difficulté à trouver les mots pour raconter le couple de sa sœur.

On n’a toujours pas retrouvé de baleine au fond du Lac de Paladru

Pour ce nouveau projet, la compagnie Le Chat du désert s’associe au musée archéologique du Lac de Paladru et à nouveau aux habitants du Pays Voironnais.

Cette création où tout est à inventer a lieu en deux temps.

Entre novembre et décembre 2022, l’autrice Laetitia Cuvelier et Grégory Faive ont animé des ateliers d’écriture sur l’histoire du Lac de Paladru, ses légendes et autres inventions autour du site et des collections du musée.

Ces écrits serviront aux comédiens de la compagnie pour créer un spectacle déambulatoire des bords du lac aux portes du musée et qui sera l’occasion de découvrir si oui ou non, on a un jour retrouvé des baleines au fond du lac de Paladru !

Les ateliers d’écriture ont été menés avec cinq groupes sur le Pays Voironnais : deux en école primaire, un avec le collège de Chirens, un autre avec les jeunes du tour du Lac et un dernier avec des volontaires inscrits à la rentrée 2021. 

Les volontaires pourront lire leurs écrits au printemps à la Grange Dimière du Pin (38) le samedi 14 mai 2022 à 16h00.

Le Banquet d’Alice

Bois-moi ! et Mange-moi ! : c’est par ces deux injonctions qu’Alice fait son entrée au pays du merveilleux. 

Comme elle, les spectateurs entreront dans la fiction par le goûter qui leur sera servi, encouragés par les acteurs-conteurs à déguster les différents mets et passer avec eux de l’autre côté du miroir. 

Alice est tantôt l’actrice-conteuse qui parle en son nom, tantôt le personnage de fiction. 

Elle est accompagnée par deux autres acteurs-conteurs, tantôt compagnons de jeu bienveillants, tantôt monstres effrayants ou créatures merveilleuses.

Une manière savoureuse de brouiller encore plus les pistes dans une histoire où la question du rapport à la réalité est centrale. Au pays d’Alice tout est possible, tout le monde peut tout jouer, et cette Alice transmet avec humour le décalage qu’elle vit au quotidien.

Le théâtre permet de tout inverser, de tout transformer avec une facilité déconcertante, si l’acteur dit « bonjour il y a une chenille qui fume dans la loge », aucun spectateur ne remettra sa parole en doute, la magie du pacte fictionnel opère et l’œuvre de Lewis Carroll nous offre alors une belle matière à bazar.

Les spectateurs sont conviés à venir goûter avec les acteurs et célébrer leur non- anniversaire en compagnie d’Alice, en priant d’une part pour que ce ne soit l’anniversaire de personne car cela gâcherait la fête, et d’autre part pour que Grégory Faive n’interprète pas la reine de cœur.

Tout va s’arranger

Un metteur en scène décide de monter La Mouette de Tchekhov à la manière des comédies musicales de Broadway… mais en France… avec les moyens qu’il possède… c’est-à-dire modestes !

Il est entouré des comédiens avec lesquels il a déjà travaillé par le passé, mais aussi de nouveaux…

Tous vont devoir apprendre à chanter et danser avec une chanteuse lyrique très exigeante et un acteur que les moyens de production ont transformé en chorégraphe, pour supporter, dans tous les sens du terme, le travail des comédiens, ce qui est loin d’être gagné…

Sans compter les absences répétées de Nina, rôle-titre, qu’il faut sans cesse remplacer pour ne pas prendre trop de retard !
Nous sommes un jour de répétition, proche de l’Opening Night.
Comment tous les impossibles et malentendus de cette situation vont-ils ou non se dénouer ?

“Avec l’équipe de création, nous nous sommes amusés avec sérieux, à mettre en scène l’histoire de ce groupe empêtré dans ses empêchements, ses joies et ses peurs, ses rivalités et ses renoncements. Nous avons inventé les drôles de situations où la confrontation des vocabulaires, doutes et travers des uns et des autres, révèlera une singulière allégorie de l’existence et du rapport à l’autre. 

J’ai choisi La Mouette comme matériau d’inspiration pour deux raisons.
D’une part, confronter une grande oeuvre littéraire aux codes de la comédie musicale m’amène d’abord à approfondir ma réflexion sur les oppositions, notamment sur les notions de divertissement et d’œuvre d’art. 

D’autre part, son histoire racontée en perspective avec celle d’une troupe en répétition, permet de tisser, avec l’équipe, une narration et une partition enrichies de mises en abîmes et de résonnances dans lesquelles nous entraînons le public. 

Ceci en ayant toujours à cœur de lui permettre d’être joyeusement troublé par les échos que le spectacle aura sur sa propre existence.” 

On aurait dû laisser un mot

Prenez un village,
Comme peut-être n’importe quel village :
Appelez-le Moret-sur-Raguse.
Tout près du Bois de la Sente, sur la route de Landon.

Le cimetière…
Et ses morts…
Tendez l’oreille et écoutez !
Écoutez la voix de ces morts qui racontent leur vie, leur disparition, leurs regrets, leurs angoisses, leur ignorance dans cette polyphonie, où s’entrechoquent des récits qui viennent sensiblement résonner sur nos propres vies.

Mettre en scène la voix des morts ! C’est absurde, ça fait peur et c’est drôle.

La mort est une disparition en deux temps : d’abord celle du corps, puis celle des souvenirs. Ensuite viennent d’autres vies, puis d’autres morts et ainsi de suite… Comme sur scène : une œuvre est jouée, quitte le théâtre, une autre prend la place, et disparait à son tour. 

C’est avec cette idée de mouvement permanent de remplacement, d’apparition, de disparition, qu’est proposée la représentation : une succession de codes de jeu, du silence, un espace vide ou très encombré, de la musique, un groupe de gens qui surgit… et laissant le temps d’un tableau, la parole s’installer, se faire entendre, puis disparaître et passer au tableau suivant. 

Comme si, pour représenter la mort, il fallait exagérément dessiner la vie. Et pour ne pas sombrer, rire. 

Et en fond de scène, un corps qui ne fait rien, à qui il n’arrive rien, qui ne participe à rien, regarde, peut-être, contrepoint du mouvement, image de la perte des propriétés de la vie. 

Une souris grise

Monsieur et Madame Bernachon reçoivent Monsieur et Madame Waterbrunner à déjeuner.
Mr Waterbrunner est le nouveau directeur européen de l’entreprise dans laquelle travaille Mr Bernachon. Il est allemand.

Monsieur Bernachon espère faire bonne impression à son supérieur pour ne pas risquer de perdre sa place. Madame Bernachon a mis les petits plats dans les grands.

Madame Waterbrunner ne parle pas un mot de français. Madame Bernachon a promis à son fils Ludovic une belle voiture de pompier, à la condition qu’il se tienne bien. Tout est prêt.
Mais Mr Bernachon souffre d’une virulente colique due, croit-il, au poisson mangé la veille chez ses parents. Ludovic en souffre également…

Il n’y a qu’un seul cabinet de toilette chez les Bernachon. Et tout doit être absolument parfait ! Il ne faut montrer aucun signe de faiblesse ! Que se passera-t-il si une crise se déclare alors que les Waterbrunner sont là ?

Ce texte est une peinture de ce qui fonde un humain aussi bien dans ses travers les plus noirs que dans ses plus belles qualités. Chaque personnage peut aussi bien être victime que bourreau, et aussi bien inspirer l’empathie que le dégoût. En observant les failles de l’humanité au travers de celles qu’il connaît chez lui, Calaferte n’est jamais en dehors de l’action et connaît très précisément ce qui articule le discours et les actions de chacun des personnages. Il nous en donne la clé grâce à la clarté de son écriture. 

Grégory Faive souhaite que le spectateur rie et reconnaisse en chacune des figures de la pièce, la part de ce qui constitue sa propre humanité ou la détruit, et se retrouve confronté à cette frontière très fine qui fait basculer soit dans la soumission, soit dans la tyrannie. Le spectacle est l’occasion  de s’ approcher de cette frontière, de s’y perdre et d’en dessiner les contours.

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